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La Guerre de l'information. Les États à la conquête de nos esprits
27/09/2023
Recension effectuée par Manon Negrus, responsable du département Proche-Orient, Moyen-Orient et Afrique du Nord de l'Institut d'études de géopolitique appliquée.
La recension n'engage pas la responsabilité de l'auteur de l'ouvrage.
À propos de l'auteur
David Colon est professeur à Sciences Po Paris, où il enseigne notamment l'histoire de la propagande et des techniques de communication persuasive, et chercheur au Centre d'histoire de Sciences Po (CHSP). Il a reçu le prix Akropolis 2019 et le prix Jacques Ellul 2020 pour son précédent ouvrage, Propagande.
À propos de l'ouvrage
David Colon décrit et analyse, dans cet ouvrage paru aux éditions Tallandier, l'évolution de l'information ainsi que son détournement par des acteurs privés et étatiques. Cet ouvrage s'inscrit dans le contexte d'une riche actualité en la matière et sa lecture suscite dès lors de nombreuses attentes, tant la littérature sur le sujet est importante mais souvent redondante.
Si après la guerre froide d'aucuns pensaient que les médias de masse contribueraient à favoriser la paix, c'est finalement l'inverse qui s'est produit. Les démocraties n'étaient pas préparées à cette militarisation de l'information qui s'est transformée en une guerre de l'information au service de l'influence des États mais également d'entités paramilitaires. Aussi le recours à l'information devient-il pour chaque État une arme pouvant servir à des fins militaires, politiques ou diplomatiques.
L'information joue progressivement un rôle de substitut à certains conflits militaires, devenant un nouvel espace de conflictualité. Une stratégie de domination informationnelle se met en place dans le but d'obtenir un avantage opérationnel dans ce nouveau type de conflit. L'objectif pour chaque État consiste à acquérir la meilleure sécurité informationnelle tout en amenuisant les capacités adverses. Pour les armées, selon David Colon, la guerre de l'information désigne l'usage offensif et défensif de l'information afin d'exploiter, corrompre et détruire les systèmes de l'ennemi. Elle peut également avoir pour objectif d'infléchir une opinion politique. Initiée avec la guerre du Koweït par le gouvernement américain afin de mobiliser l'opinion publique contre le dirigeant Saddam Hussein, la guerre de l'information n'a eu de cesse de s'intensifier au cours des dernières années. David Colon démontre en ce sens de façon très précise comment la guerre de l'information permet de préparer l'opinion publique à la perspective d'un conflit, le but étant de parvenir au consentement voire à l'approbation d'une société à une potentielle action militaire. Dans la guerre de l'information, la perception prime sur la réalité. L'auteur s'appuie sur l'exemple de fausses vidéos de bombardements afin d'instrumentaliser la peur et rendre acceptable l'idée d'une intervention militaire.
L'un des atouts de cet ouvrage réside en ce qu'il explicite comment l'information et internet de manière générale sont devenus un outil de soft power qu'il est impératif de maîtriser dans un but à la fois offensif et défensif. Les hackers exploitent en effet les failles des systèmes d'information, d'où l'importance de savoir se prémunir de cyberattaques. David Colon pointe également les effets pervers du détournement de l'information avec le recours par certains États à la désinformation stratégique. Les théories du complot et les campagnes mensongères pullulent et s'intensifient au fil du temps, notamment depuis la crise liée au Covid-19.
L'ouvrage a le mérite de mettre en évidence de façon claire et limpide comment des espaces tels que le darknet sont devenus des zones de non-droit. L'auteur met également en exergue l'appropriation de la guerre de l'information par les différents groupes djihadistes à l'instar d'al-Qaida qui se sert des médias sociaux à des fins de propagande, de recrutement ainsi qu'à des fins opérationnelles.
Face à la recrudescence des opérations de désinformation, de sabotages et de cyberattaques, les États ont progressivement dû s'armer en mobilisant des ressources humaines et économiques pour la mise en place d'outils permettant de prévenir et de lutter contre ces menaces. Dans la mesure où l'information devient un jeu de pouvoir entre les États au point que le recours à la cyberguerre va être supérieur à celui de la guerre conventionnelle et dans ce contexte, les médias sociaux deviennent un outil d'influence et d'instrumentalisation.
David Colon a, en définitive, produit un ouvrage très fouillé et documenté qui devrait faire autorité dans la littérature associée à ce domaine d'étude.