L'OTAN en crise : Faut-il repenser l'Alliance Transatlantique ?
Meggie Coppin, responsable de la Commission Sécurité & Défense internationales de l'Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, s'est entretenue avec Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po Paris.
Comment citer cet entretien :
Cyrille Bret, « L'OTAN en crise : Faut-il repenser l'Alliance Transatlantique ? », Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, Septembre 2020. URL : https://www.institut-ega.org/l/lotan-en-crise-faut-il-repenser-lalliance-transatlantique/
Meggie Coppin - L'Alliance Atlantique est affaiblie par les divisions entre les membres de l'Union européenne et les États-Unis, divisions qui se sont renforcées sous le mandat de Donald Trump. Les États-Unis étant un acteur clé dans l'architecture de défense européenne, quelles sont les conséquences de ces divisions pour la pérennité de l'Alliance ?
Cyrille Bret - Cette question existentielle pour l'Organisation du Traité de l'Atlantique du Nord se pose avec une particulière acuité aujourd'hui, mais elle s'est posée à plusieurs reprises dans l'existence de l'Alliance. La cohésion de l'Alliance mais aussi la définition de sa mission, les ressources financières - directes ou indirectes par rapport aux missions consacrées -, sa doctrine, la disponibilité des alliés et leurs compatibilités : tous ces sujets depuis la création de l'Alliance, et même avant 1949, ont été mis en avant que
ce soit par le général de Gaulle, le président Bush Sr, par le président Chirac ou par son ministre des Affaires Étrangères, Dominique de Villepin.
Cette question de la crise existentielle de l'OTAN est donc une question récurrente, mais c'est aussi une question dramatique pour la sécurité collective dans la mesure où l'Alliance Atlantique et l'organisation politique communautaire qui la chapeaute sont les plus puissantes, les plus organisées, les plus anciennes actuellement dans le monde.
À propos de votre question sur l'absence de cohésion entre les membres de l'OTAN, je procéderai par commencer par le cercle le plus restreint, celui qui est à l'intérieur des pays qui sont à la fois membres de l'Union européenne et membres de l'OTAN. On voit très clairement, depuis plusieurs décennies, s'affronter ou diverger les États les plus attentifs, très souvent issus aujourd'hui du grand élargissement de 2004, notamment la Pologne, la Roumanie, les pays baltes… On voit de l'autre côté des États qui sont plus ou moins convertis à l'idée d'une autonomie stratégique européenne. Évidemment, cette tension est réelle et cette crise est forte, notamment quand il s'agit des terres et des matériels de défense. Ce n'est pas fatal non plus. C'est tout le chantier de la complémentarité entre l'Europe de la défense et l'OTAN.
Si on prend un champ un peu plus large, sur la question de la cohésion de l'OTAN, du point de vue de la Turquie on voit aujourd'hui que la présidence d'Erdogan poursuit des lignes diplomatiques stratégiques incompatibles avec les objectifs des autres membres de l'Alliance. Les frictions assez récurrentes entre la marine et l'aviation grecque et turque sont assez surprenantes quand on parle d'Alliance.
MC - Récemment, la France a suspendu sa participation à l'opération « Sea Guardian » de l'OTAN en Méditerranée à la suite des tensions avec la Turquie. Comment interpréter les relations tendues entre la France et la Turquie au sein de l'Alliance ?
CB - La France a suivi une interprétation largement partagée qui est celle de la vocation de la Turquie à rester dans l'Alliance. Une Alliance qui partage la définition de la menace. Or, si la Turquie devient un risque ou une menace, elle ne peut rester dedans. Il y a un troisième cercle concentré qui est bien connu, manifesté par le candidat Trump en 2016 et depuis souligné à nouveau par le président Trump : c'est l'interrogation des Européens sur l'investissement stratégique des États-Unis en Europe. La crise est existentielle puisqu'il n'est pas exagéré de dire que l'Alliance sans les États-Unis, ce n'est qu'une entité à moitié pleine. Il faut bien avoir en tête que le risque de désarticulation de l'Alliance est que les États-Unis ont toujours, depuis qu'ils ont accédé au statut de puissance mondiale, oscillé entre un moment d'isolationnisme et un moment d'interventionnisme dans la gestion des affaires mondiales. Ces deux tendances cohabitent à l'intérieur de l'appareil d'État américain. Donald Trump n'en illustre qu'une des deux. Une large partie de l'état-major américain, une large partie de secteur militaro-industriel, une large partie du monde académique américain n'est absolument pas sur cette ligne de retrait de l'OTAN - surtout au moment où les menaces et risques géopolitiques sont présentés par la Turquie. Un retrait américain total serait en effet catastrophique.
Il y a donc des problèmes de cohésion et de cohérence à l'intérieur de l'Alliance, bien sûr, mais ce n'est pas nouveau. Comme toute organisation, elle a surmonté des crises, et là il y a encore des défis à relever.
MC - Donald Trump a annoncé le 29 juin 2020 le retrait de 12 000 troupes américaines déployées en Allemagne, qui seront possiblement redéployées en Pologne ou dans les États baltes mais aussi en Belgique et en Italie. Dès lors, quel est le message adressé à l'OTAN, quelles sont les conséquences pour l'Alliance, mais également pour la sécurité collective européenne ? Est-ce que cela sous-entend une réduction de l'investissement américain dans la défense européenne ?
CB - Le problème de l'analyse de ce message, qui peut paraître paradoxal, c'est qu'on ne sait pas à qui il s'adresse. Nous Européens, ou comme géopoliticiens, nous aurions tendance à croire qu'il s'adresse aux alliés. En réalité, il s'adresse simplement à l'électorat américain.
Les problèmes du discours du président Trump pour les semaines et les mois qui nous séparent jusqu'aux élections, c'est justement le fait que cette élection va perturber la posture stratégique américaine.
C'est normal, c'est classique, c'est typique d'une grande démocratie, c'était le cas en France et en Allemagne. En réalité, dans les semaines qui viennent, les annonces du président Trump ne doivent vraiment pas être prises au pied de la lettre. Ce ne sont pas les paroles, mais les faits qui doivent être examinés. Or, dans les faits on est loin du retrait et du désinvestissement stratégiques américains annoncés.
Les États-Unis sont présents massivement par l'intermédiaire de bases dans toute l'Europe occidentale, ils aident dans les efforts de modernisation des armées ukrainiennes, sont présents et positionnés dans la zone baltique et aussi dans la mer Noire, sans parler de la mer Méditerranée. La position stratégique américaine, est à mi-chemin entre les faits militaires et les déclarations politiques apportées aux problématiques électorales.
Là encore une fois, comme quand on pronostique la mort de l'OTAN, il se trouve que le malade se porte bien.
MC - Dès lors, on ne peut pas parler de la « mort cérébrale de l'OTAN » comme Emmanuel Macron l'avait fait en novembre 2019 ?
CB - Je pense que le Président de la République a eu raison sur les effets de son discours et tort sur le contenu du discours. Il est impossible de continuer à tenir cette ambiguïté américaine, et cette ambiguïté turque à l'égard de l'OTAN : une clarification est nécessaire. Cette formule a été conçue comme une formule de géopoliticien et comme une posture de dirigeant, c'est-à-dire celle d'un électrochoc. De fait, l'OTAN a été obligé, lors de son sommet en décembre 2019, de créer une structure de réflexion propre à cette question.
Je pense que le diagnostic du Président de la République est faux : non seulement l'OTAN est très active et vivante, mais elle surmonte plusieurs crises plutôt véhémentes. Dans les zones Est, c'est loin d'être un cadavre. En Méditerranée orientale, la flotte américaine est très présente et les initiatives américaines dans toute la région sont extrêmement fortes.
J'ai la chance d'être enseignant à Sciences Po, d'être directeur du développement stratégique de Naval Group dans cette zone-là. Dans tous les États européens où je me rends, les États-Unis sont bien plus présents que la plupart d'autres États. En Roumanie et surtout du côté du gouvernement roumain, pour établir leur défense anti-aérienne, en Pologne ils sont évidemment présents, en Suède, dans les États baltes. Ils touchent leurs avantages stratégiques au maximum, c'est très loin d'un recul total.
On peut s'en réjouir ou on peut s'en inquiéter - et c'est mon cas : je pense que tant que les États-Unis sont en Europe, l'Union restera dans un état de minorité stratégique préoccupante pour son autonomie.
MC - Effectivement, l'Union européenne souhaite affirmer son autonomie stratégique indépendamment des États-Unis. C'est d'ailleurs un objectif d'Emmanuel Macron, qui, dans son discours sur la dissuasion à l'École de guerre en février 2020, évoquait notamment que « l'OTAN et l'Europe de la défense sont les deux piliers de la sécurité collective européenne ». Comment concilier les ambitions stratégiques européennes avec l'OTAN ?
CB - Il faut être très clair. L'OTAN est une vieille dame de 70 ans, et l'Europe de la défense est un adolescent en train de se former. Premièrement, nos opérations civiles et militaires entrant dans le cadre de l'Europe de la défense. Le président Macron et ses partenaires à travers l'Europe conduisent des opérations, des alignements doctrinaux, des exercices communs pour faire mûrir l'Europe de la défense et il est tout à fait capable de le faire au cours d'une crise majeure. L'OTAN a organisé un nombre d'exercices de très grande ampleur et très importants, a rendu interopérables au niveau technique et tactique les appareils militaires de tous les États membres. À mon avis, il ne doit pas y avoir plus de concurrence entre l'OTAN et l'Union européenne dans le domaine de la défense aujourd'hui. L'articulation est absolument évidente, ne serait-ce que parce que les États-Unis ne vont pas se préoccuper de toutes les questions sécuritaires et de défense en Europe.
Ce qui nous préoccupe beaucoup plus, ce sont les ambiguïtés entre le discours et les faits, les actions des États-Unis en Europe. Soit ils nous laissent avec notre approche stratégique, soit ils cessent de systématiquement miner les efforts accomplis par les Européens pour avoir des capacités d'analyse et d'action autonomes.
MC - À l'égard de la Russie, Emmanuel Macron évoquait lors de son discours sur la dissuasion à l'École de guerre en février 2020, les relations entre la Russie et les membres de l'Union européenne au regard de la sécurité collective : « J'attends de la Russie qu'elle soit un acteur constructif de notre sécurité commune. Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle, où le fossé s'accroît, le dialogue s'appauvrit, alors même que les enjeux de sécurité à traiter avec Moscou, eux, se multiplient ». Dès lors, comment analyser les relations entre l'Alliance et la Russie ? Quels partenariats stratégiques peut-on espérer à l'avenir ?
CB - Il est très loin le temps où, au début des années 2000, une adhésion plus récente de la Russie au-delà du Conseil OTAN-Russie était envisagée par l'Alliance Atlantique. Depuis plus d'une décennie, la Russie est devenue, si ce n'est une menace, un sujet commun pour les membres de l'OTAN. Pas seulement d'un point de vue historique, mais d'un point de vue opérationnel. Je pense que là encore, c'est plus une vision qu'un programme d'action tracé par le Président français et qui reflète bien la différence de posture stratégique et géopolitique, la différence géographique des États européens à l'égard de la Russie par rapport à la situation avec les États-Unis. Pour ces derniers, la Russie est un rival lointain, et pour les États européens c'est un État turbulent et immédiat. Si on prend le front Est de l'OTAN, du Sud au Nord, de la Turquie en passant par la Pologne et les États baltes, la Russie constitue leur principal sujet d'inquiétude stratégique. Au contraire, pour les États-Unis, la principale inquiétude stratégique est la république populaire de Chine. Les Américains peuvent surjouer l'agressivité russe sans courir un risque d'escalade, ou au contraire dans certains cas minimiser l'agressivité russe sans encourir à aucune sanction. En revanche, les États baltes ont une profondeur territoriale dotée de ressources démographiques et financières très limitées, et ne peuvent pas avoir une attitude si décomplexée vis-à-vis de la Russie, en la traitant à la fois comme menaçante ou comme partenaire possible. Le premier découplage stratégique entre les deux côtés de l'Atlantique porte sur la Russie. Maintenant, la position qu'adopte la France vis-à-vis de la Russie regarde moins à l'appartenance de la France à l'OTAN et davantage à son rôle au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et d'architecture mondiale de sécurité.
MC - Pourtant, la France a envoyé un signal fort à la Russie via le Comité d'experts créé par l'OTAN pour réfléchir à l'avenir de l'Alliance. La France a fait le choix de nommer Hubert Védrine pour représenter la France, qui est connu pour être favorable à un renforcement du dialogue stratégique avec Moscou.
CB - Oui, c'est un risque politique très fort pour la France, je pense que cela restera un geste. Chaque mandat présidentiel français est marqué à un moment ou à un autre par une politique de rapprochement avec la Russie. C'était le cas d'Emmanuel Macron et aussi de François Hollande, qui au moment des attentats tragiques à Paris en 2015 a promu un rapprochement avec la Russie en Syrie, qui n'a pas marché. C'était le cas aussi de Nicolas Sarkozy qui, après la guerre en Géorgie en 2008, a tenté de se rapprocher de la Russie, ce qui n'a pas davantage fonctionné. C'était le cas aussi de Jacques Chirac, qui tenta de se rapprocher de la Russie dans son hostilité à l'intervention américaine en Irak...
MC - Dans le cadre de la gestion du dossier nucléaire iranien, la France et la Russie se sont également beaucoup rapprochés.
CB - Tout à fait. Entre la France et la Russie il y a des intérêts stratégiques communs mais limités, notamment le respect de l'accord nucléaire de 2015, d'autres intérêts convergents qui tiennent à la symbiose économique entre les grandes économies industrielles occidentales, d'Europe de l'Ouest et les approvisionnements en minerais et gaz russes. Je pense, même si c'est à titre
personnel, que je suis très proche de la culture russe. Les limites de ce rapprochement sont évidentes pour tout le monde, parce que la Fédération de Russie ne cherche pas d'alliances, ni des États européens, ni de l'OTAN dans son ensemble.
MC - Face aux divisions qui animent les États-Unis et la Chine, quelle réponse peut apporter l'OTAN, aujourd'hui et à l'avenir, face à la puissance militaire chinoise qui ne cesse de croître avec des investissements massifs dans de nouvelles capacités militaires à longue portée pouvant atteindre les pays membres de l'Alliance ? Comment l'Alliance peut-elle renforcer ses capacités de dissuasion ?
CB - C'est la question à laquelle l'OTAN fait face. La zone géographique de l'Alliance est définie sur son nom même, et vu que l'Atlantique Nord n'est pas un terrain d'affrontement privilégié entre la Chine et les États-Unis, ils ont plus de chances de se renfermer dans le Pacifique que dans le Nord. Comme en 1991 après la disparition de son ennemi, comme au moment de la multiplication des attentats en 2001 durant toute la décennie, l'OTAN s'intéresse sur ces missions et sur sa vocation. Est-ce que les États européens vont être enrôlés du côté des États-Unis contre la Chine dans leur « nouvelle guerre froide », pour reprendre l'expression du conseiller américain à la défense ? Est-ce que l'OTAN va être, au contraire, un système de régulation de la menace russe strictement limité à la région ? Est-ce encore à décider ?
L'OTAN, comme toute grande organisation, s'est déjà dotée d'une réflexion sur la question et a intégré la Chine dans ses documents stratégiques. Force est d'admettre que pour les États Européens, la Chine est une préoccupation majeure, même après la crise sanitaire.
MC - Pourtant, l'influence chinoise en Europe ne cesse de croître. Je pense plus particulièrement aux nouvelles routes de la soie ou encore au déploiement de la 5G. Ce sont des enjeux stratégiques majeurs, qui sont au cœur des divisions entre la Chine et les États-Unis. Comment l'Europe doit-elle se positionner face à l'allié américain, alors qu'elle dépend de la Chine ?
CB - Elle a déjà commencé en traçant une feuille de route pour une autonomie et une souveraineté, non seulement dans le domaine militaire, mais aussi dans le domaine économique, notamment au niveau des investissements technologiques pour une meilleure protection de sa propriété intellectuelle. Également, par la définition d'une position commune à
l'égard de la Chine.
Face à cette dernière, comme face à la Russie, les Européens ont des intérêts particulièrement différents que ceux des États-Unis.
Par exemple, je pense que Pékin et Bruxelles sont plus proches en matière de protection de l'environnement que Washington et Bruxelles. Le réveil de conscience écologique est évident pour tout le monde, et est particulièrement absent dans les discours américains.
MC - Revenons sur la situation sécuritaire en Libye. Une coalition otanienne était intervenue en 2011 dans le cadre de l'opération « Unified Protector ». Aujourd'hui, la situation sécuritaire en Libye est préoccupante et divise profondément les membres de l'Alliance, notamment avec les provocations du Président turc Erdogan contre ses alliés. Quelles pourraient être les conséquences pour l'OTAN si un conflit venait à éclater entre les membres de l'Alliance ?
CB - Avant de se demander quelle sera la réponse de l'OTAN, étudions la capacité de l'OTAN à réguler les différends internes d'abord et avant tout. Le principal risque pour moi est la campagne électorale américaine. C'est pendant cette période que l'incertitude stratégique est la plus grande. La Turquie, sans aucun doute, est tentée de poursuivre son avantage contre les intérêts égyptiens, grecs, et chypriotes. Là, ce qu'il est absolument nécessaire de faire, est que la France continue à faire ce qu'elle fait, c'est-à-dire à rappeler à l'OTAN son devoir d'assurer la cohésion entre les différents alliés et mettre le doigt là où ça fait mal, c'est-à-dire le jeu très dangereux que la Turquie joue à l'égard de l'Alliance en son propre sein. Ensuite, la réponse est assez forte et on les connaît déjà, une exclusion définitive ou temporaire de la Turquie de l'Alliance....
MC - Juridiquement, est-ce possible d'exclure la Turquie de l'OTAN ?
CB - C'est un traité international, un contrat passé entre deux États souverains ; c'est un processus qui peut s'engager, il n'y a pas de dispositions qui le freinent. Si au niveau juridique cela pourrait poser des problèmes, au niveau stratégique c'est ambigu : si la Turquie sort de l'Alliance, va-t-elle se tourner contre nous ? Qui va-t-elle viser ? Qui retiendra les États-Unis sur le chemin d'une séparation plus abrupte à l'égard de la Turquie ? C'est réellement le défi actuel, l'aventurisme turc et la tentation de la présidence d'Erdogan de compenser sa position politique intérieure par un soutien militaire à l'extérieur, particulièrement en Libye.
MC - Le Secrétaire Général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, est revenu fin juin sur les conséquences stratégiques du Brexit vis-à-vis de l'Alliance Atlantique. Selon lui, « le Brexit fera de l'OTAN une plateforme encore plus importante qui réunit les alliés européens pour discuter des questions qui les préoccupent ». Le Royaume-Uni a toujours été réticent au sujet d'une politique européenne de défense, en s'opposant notamment à ce que l'on pourrait appeler une « armée européenne » ou une autre structure venant concurrencer l'OTAN. Dès lors, n'est-ce pas paradoxal, notamment au regard des ambitions européennes concernant l'Europe de la défense ou ses ambitions d'autonomie stratégique ?
CB - Pour ce sujet, l'avenir n'est absolument pas écrit. La France est l'une des seules puissances militaires qui ont une action d'envergure sur le continent européen, et le Royaume-Uni est en train de s'éloigner du continent et de l'Union européenne. Si le Brexit ne laisse pas de rancune, ni des amertumes trop fortes entre les différents protagonistes, il faut dire que des plateformes sectorielles de discussion vont se développer, dans le domaine économique, dans le domaine douanier, dans le domaine militaire aussi. C'est là où l'OTAN va gagner en poids européen, puisqu'elle sera l'une des seules plateformes actives et stratégiques.
Malheureusement et heureusement, aucune autonomie stratégique européenne ne peut se faire sans le Royaume-Uni, pour des raisons militaires et autres, à tort ou à raison. Aucune autonomie stratégique complète ne pourra se réaliser sans que le Royaume-Uni ne soit un peu tenu à l'écart.
Ce paradoxe est très profond, et ne pourra être surmonté qu'avec la réussite du développement d'une véritable posture stratégique européenne. Et on voit bien qu'elle n'est pas pour demain...