Quelles perspectives dans l’Indopacifique ?
Yohan Briant et Carla Haid, responsables du département Asie du Sud, Pacifique & Océanie de l'Institut d'études de géopolitique appliquée, se sont entretenus avec Benoît Hardy-Chartrand, professeur auxiliaire à la Temple University Japan, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal.
Comment citer cet entretien :
Benoît Hardy-Chartrand , « Quelles perspectives dans l'Indopacifique ? », Institut d'études de géopolitique appliquée, Décembre 2021. URL : cliquer ici
Institut d'études de géopolitique appliquée - L'Indopacifique est désormais défini comme le nouveau pivot stratégique du monde. Comment définiriez-vous les futurs enjeux de cette zone ? Cette région est-elle vouée à être l'objet des tensions sino-américaines ?
Benoît HARDY-CHARTRAND - Tout va tourner autour de la relation entre les États-Unis et la Chine. Même s'il y a d'autres poudrières dans la région, notamment la question nucléaire en Corée du Nord, ou encore des questions liées à la relation Japon Chine, par exemple en Mer de Chine orientale ou méridionale, tout reviendra à la relation sino-américaine. Si les américains et les chinois arrivent à trouver un genre de modus operandi dans lequel ils arrivent à gérer leurs différences de manière plutôt stable, nous pourrions avoir une région où la stabilité règne. Cependant, compte tenu des objectifs et des visions du monde fondamentalement différents entre Pékin et Washington, j'entrevois une zone qui sera marquée par des tensions pour un avenir assez lointain.
Ces tensions vont nuire à la coopération sur toute sorte de fronts, que ce soit une question d'ordre global comme le changement climatique, de santé publique internationale comme la pandémie, ou des questions liées à la géopolitique et au terrorisme, entre autres.
Même des questions plus circonscrites à la région, comme la Corée du Nord, nécessitent une coopération entre les grandes puissances mondiales et les tensions sino-américaines vont, à l'avenir, rendre plus difficiles encore la recherche d'une résolution satisfaisante. Alors oui, la région de l'Indopacifique sera définie par des tensions pendant un avenir tout de même assez lointain.
IEGA - Vos conclusions rejoignent celles d'autres chercheurs, comme Jean-Pierre Cabestan, qui considèrent que, si la perspective d'une guerre ouverte est assez lointaine, les tensions vont continuer à rythmer les évolutions de la région.
B.H-C - Cela résume en gros ma vision de la région. Je ne prévois pas un conflit entre la Chine et les États-Unis. Cela dit, même une paix négative aura des conséquences négatives sur la région, sur la résolution de toute sorte de questions, d'enjeux de sécurité, de santé et même d'enjeux économiques.
C'est donc là qu'il faut faire attention, car avoir une vision négative de la région n'équivaut pas nécessairement à prévoir un conflit direct entre les deux pays. Il n'empêche que ce sera une région marquée par les tensions et c'est justement ce qui m'inquiète beaucoup, que les deux plus grandes puissances, la Chine et les États-Unis, suivent des trajectoires qui sont fondamentalement contradictoires. Sans une refonte complète de leurs visions du monde, de leurs objectifs, l'accroissement des tensions est presque inévitable. Cependant, la raison pour laquelle je n'envisage pas de conflit est que les deux pays sont extrêmement conscients, non pas de leurs limites, mais des conséquences désastreuses qu'aurait un conflit sur leur propre développement.
S'il existe un enjeu qui me fait parfois douter de ma propre prédiction, c'est la question de Taïwan, qui pourrait potentiellement être à la source d'un conflit entre les États-Unis et la Chine. Encore que cette dernière, très soucieuse d'entretenir une périphérie qui soit stable et lui permette de poursuivre son développement économique, continuera à hésiter à utiliser la force pour réunir Taïwan. Je ne nie pas que les tensions actuelles sont inquiétantes, surtout compte tenu des exercices militaires et des fréquentes incursions chinoises dans la zone de défense aérienne de Taïwan.
Mais pour le moment, la Chine tient surtout à signaler à Taïwan sa détermination à la ramener sous son joug et cherche à la dissuader de poser quelque geste qui l'amènerait vers l'indépendant formelle.
Dans l'immédiat, compte tenu des risques importants qu'entraînerait une invasion de Taïwan, je ne crois pas à sa volonté d'utiliser la force pour reprendre le territoire.
IEGA - Depuis quelques années, nous assistons à un revirement stratégique de la part de nombreux pays, qui se positionnent d'un côté (américain) ou de l'autre (chinois), ou qui décident à l'inverse de rester neutre et de ne pas prendre partie. Comment définiriez-vous dans un premier temps l'importance pour les pays de la zone de prendre, ou non, position face à ces deux grandes puissances ?
B.H-C - La plupart des pays cherchent à maintenir un semblant de neutralité entre la Chine et les États-Unis. Il y a évidemment quelques exceptions - le Japon est fermement dans le camp américain et ce n'est pas prêt de changer - mais même un pays comme la Corée du Sud, qui maintient une alliance très étroite avec les États-Unis, semblable à l'alliance nippo-américaine, la Corée du Sud est beaucoup plus prudente que le Japon. Cela tient au fait que son économie et son développement dépendent beaucoup plus de la Chine que le Japon, ce qui fait qu'elle ne peut se permettre de s'aligner complètement sur les États-Unis. Même si du côté sécuritaire elle est plus proche des États-Unis, elle doit prendre en compte les intérêts de la Chine et tend finalement vers une certaine neutralité.
Si on regarde un peu plus loin que l'Asie du Nord-Est, la plupart des pays de l'Asie du Sud-Est tiennent mordicus à maintenir une neutralité et il n'y a que très peu de pays dans la région qui se sont engagés dans un camp plus que dans l'autre - le Cambodge et le Laos, par exemple, sont toutes deux du côté de la Chine.
Depuis le coup d'état de février 2021, le Myanmar se tourne davantage vers la Chine, mais la plupart des pays veulent ouvertement conserver une certaine autonomie stratégique et ne pas être forcés de choisir entre les deux camps.
Choisir serait très dommageable pour leurs intérêts puisqu'ils ont en réalité besoin des deux pays : la Chine est un moteur du développement économique dans la région, mais on veut aussi la présence américaine pour maintenant un équilibre des puissances et éviter l'hégémonie chinoise. C'est d'ailleurs assez remarquable d'entendre parler les élites - économiques, politiques ou autre - de l'Asie du Sud-est et de voir à quel point une présence soutenue des Américains est souhaitée. Comme On ne veut pas d'une hégémonie chinoise, la présence américaine, qui forme une sorte de contre-pouvoir à la Chine, est perçue de façon positive. C'est le cas de pays comme Singapour, qui mentionne constamment l'importance de cette neutralité. Ainsi, à l'exception de pays comme le Japon, côté américain, et de la Corée du Nord, côté chinois, les pays de la région ne veulent pas être forcés de choisir.
IEGA - Côté Japon, l'arrivée du nouveau Premier ministre japonais, Fumio Kishida, pourrait-t-elle marquer un changement dans les futures relations avec et/ou entre la Chine et les Etats-Unis ?
B.H-C - Essentiellement non. Le Premier ministre Kishida étant du même parti que Yoshihide Suga (qui fut Premier ministre entre septembre 2020 et octobre 2021) mais surtout du même parti que Shinzô Abe, qui a été au pouvoir pendant huit ans, la politique étrangère japonaise va donc suivre son cours. Si Abe était vu comme un faucon qui désirait une politique étrangère plutôt musclée, à l'inverse, Kishida donne l'impression d'être plus modéré, d'être un rassembleur, moins penché vers l'aile droite du parti. Néanmoins il n'empêche que la base du Parti libéral démocrate (PLD) souhaite toujours que le Japon occupe un rôle prépondérant dans les questions de sécurité et de géopolitique régionales, et donc le nouveau Premier ministre va continuer à suivre cette voie-là. D'ailleurs, s'il est seulement en poste depuis quelques semaines, depuis son arrivée au pouvoir et même avant, durant la campagne pour la présidence du PLD, tout ce qu'il a dit ne laisse pas entendre un changement majeur dans les orientations stratégiques du Japon.
Du point de vue de la Chine, Kishida était probablement le candidat préféré du Parti Communiste Chinois (PCC) puisqu'il était perçu comme étant moins partisan d'une ligne dure envers la Chine. Malgré tout, ses déclarations jusqu'à présent laissent entrevoir une continuation, une poursuite des critiques envers la Chine, ainsi que la volonté de continuer de s'allier et de collaborer toujours davantage avec les américains pour faire front face à la Chine. De ce côté-là, on ne voit pas beaucoup de changements, puisque Kishida a multiplié les critiques acerbes vis-à-vis des questions de droits de la personne en Chine, par rapport à Taïwan aussi, ce qui est une nouveauté. En effet, le Japon est de plus en plus critique en ce qui concerne les actions et les manœuvres de la Chine envers Taïwan, alors qu'il y a encore quelques années, le Japon était très hésitant à se prononcer sur la question de Taïwan.
IEGA - Ces critiques récentes ne font-elles pas parties d'une stratégie politique en vue du prochain renouvellement de la Chambre des conseillers en 2022 ?
B.H-C -Oui et non, mais en même temps cela reflète quand même l'opinion générale du parti et de la population, puisque les sondages d'opinions montrent que la grande majorité des japonais soutiennent Taïwan et que la plupart appuieraient une intervention en aide à Taïwan en cas de conflit.
IEGA - Comment définiriez-vous le changement d'attitude radical de l'Australie vis à vis de la République Populaire de Chine et son impact dans la région Indopacifique ?
B.H-C - Le changement d'attitude que l'on voit en Australie est assez remarquable, mais ce n'est pas le seul pays qui a vu ses relations avec la Chine péricliter depuis le début de la pandémie. Si on regarde ailleurs, un nombre impressionnant de pays ont vu leurs relations connaître un déclin conséquent depuis le début de la pandémie. La Chine a adopté une approche assez musclée dans ses relations diplomatiques avec plusieurs pays, comme on a pu le constater avec le Canada, avec qui les relations ont atteint le niveau le plus bas depuis l'établissement des relations diplomatiques ; c'est le cas également avec plusieurs pays d'Europe.
Le déclin des relations sino-australiennes est cependant l'un des plus spectaculaires, d'autant que l'Australie avait des relations non seulement stables, mais assez positives et bénéfiques avec la Chine jusqu'à la pandémie. Rappelons que le QUAD (Quadrilateral Security Dialogue, un partenariat qui regroupe les États-Unis, le Japon et l'Inde en plus de l'Australie) établi en 2004, a été interrompu en 2007 parce que l'Australie ne voulait pas nuire à ses relations avec la Chine. Plusieurs Premiers ministres australiens avaient aussi de bonnes relations personnelles avec les dirigeants chinois, dont Kevin Rudd, qui parlait un chinois impeccable, mais d'autres également qui tenaient à de bonnes relations entre l'Australie et la Chine, étant donné l'importance de cette dernière en tant que partenaire commercial.
Le déclin est dû en grande partie à la pandémie et à la réponse très affirmée, très musclée de la Chine, notamment lorsque que celle-ci a réagi extrêmement négativement à la demande de l'Australie de faire une enquête sur l'origine de la COVID en Chine. Celle-ci a imposé toutes sortes de sanctions non-officielles, lesquelles font mal à certains secteurs de l'économie australienne. Cela explique pourquoi l'Australie renforce maintenant ses liens avec l'Occident et surtout avec les États-Unis.
Elle est maintenant un partenaire beaucoup plus enthousiaste dans le QUAD, dont les activités sont plutôt larges mais qui ciblent principalement la Chine, bien que cela demeure un non-dit, et on a aussi vu très récemment la nouvelle alliance AUKUS, qui a causé toute sortes de frictions avec la France.
L'ensemble de ces développements, qui remontent à quelques années, sont liés aux profondes préoccupations de l'Australie envers la Chine, et le changement dans les relations entre les deux pays, s'il a été un des plus brusques et des plus remarquables, reste symptomatique du déclin plus général des relations entre la Chine et l'Occident.
IEGA - Quelle relations à venir sont à envisager entre la RPC et le Canada suite à la libération des deux Canadiens par la Chine après celle de la chinoise Meng Wanzhou par le Canada en septembre 2021 ? Les tensions entre les deux pays sont-elles enclines à s'apaiser ou au contraire à se durcir ?
B.H-C - Ce qui est intéressant dans le cas de Meng Wanzhou et des relations sino-canadiennes c'est à quel point celles-ci ont suivi une évolution semblable aux relations entre l'Australie et la Chine. Avant la saga Meng Wanzhou, les relations allaient dans une direction assez positive, à un point tel qu'il y a quelques années le gouvernement Trudeau avait entamé des consultations publiques quant à la possibilité de signer un accord de libre-échange entre le Canada et la Chine. Le Canada était alors absolument convaincu de la nécessité de renforcer ses liens avec la Chine, notamment dans l'optique de diversifier ses partenaires commerciaux et de ne plus dépendre des États-Unis. Renforcer ses liens commerciaux avec la Chine allait donc de soi.
Tout a changé à la fin 2018 quand Meng Wanzhou a été arrêtée et, dix jours après, les deux Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig ont été eux-mêmes détenus. Lorsque la Chine a relâché les deux Michael, tout juste après la libération de Meng Wanzhou au Canada, cela a évidemment contredit toutes les prétentions chinoises selon lesquelles la détention des deux Canadiens n'était pas liée à l'arrestation de Meng Wanzhou. Difficile d'imaginer un retour à la situation pre-Meng Wanzhou. Autant il y avait un certain enthousiasme envers la Chine avant 2019, autant le changement d'opinion, non seulement au sein de la population générale mais aussi au sein de l'élite, c'est-à-dire l'élite politique et les médias, a été radical. Les plus récents sondages indiquent que les perceptions des Canadiens envers la Chine sont au plus bas et il serait extrêmement difficile pour le gouvernement canadien de justifier un rapprochement, malgré la résolution de la saga Meng Wanzhou. Je crois qu'il y a, au sein des élites politiques, une convergence d'opinion entre le Canada, les États-Unis et ses autres alliés occidentaux face aux défis que la Chine pose à l'Occident. Face à la prise de conscience de ces défis, je crois que le Canada devra réévaluer comment interagir avec la Chine.
Il est encore difficile de savoir comment cela va se dessiner puisque la libération des Canadiens est encore récente, mais aussi parce que les élections viennent de s'achever et que, même s'il s'agit du même gouvernement, on attend toujours la parution de la stratégie canadienne pour l'Indo-Pacifique. Nous aurons donc bientôt une meilleure idée de la direction qu'entend emprunter le Canada. J'établis cependant un lien entre l'avenir des relations sino-canadiennes et celui de la plupart des partenaires occidentaux du Canada, ce qui inclut évidemment la France et l'Union Européenne.
IEGA - Quelle analyse faites-vous de la place de la France et de celle des États-Unis en Indopacifique, notamment suite à la réunion du QUAD en septembre 2021, rencontre orchestrée par les États-Unis - qui a eu lieu juste après l'annulation du contrat avec le groupe français Naval Group par l'Australie ?
B.H-C - Si la France et l'Union européenne en général ont un regain d'intérêt pour la région, l'intérêt de la France est fondamental, considérant ses deux millions de concitoyens présents en Indo-Pacifique. L'intérêt de la France pour la région s'est accru récemment à cause des tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis. La publication de la stratégie de la France dans l'Indopacifique, parue durant la même période que celle de différents pays européens comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni s'accompagne d'une présence navale accrue, de la France et de ses partenaires européens. Je m'attends à ce que cette présence soit permanente dans la région. À quel point le fiasco lié à l'annulation du contrat des sous-marins et au désastre diplomatique entre la France, l'Australie et le Royaume-Uni, va-t-il affecter la coopération entre ces différents pays dans la région ? Au-delà de la menace chinoise, qu'en est-il de la situation en mer de Chine méridionale et avec la problématique nucléaire en Corée du Nord ?
Certainement, à l'avenir, la coopération stratégique entre la France, les États-Unis et l'Australie sera limitée, mais compte tenu de l'importance des enjeux régionaux et des défis communs auxquels ils font face, d'ici quelques années, on devrait revenir au status quo ante.
IEGA - Selon vous, quel serait l'avenir de l'AUKUS dans la région mais aussi à une échelle plus large ? Une alliance AUKUS-ASEAN serait-elle, par exemple, envisageable ?
B.H-C - Il est encore difficile de connaître les contours de l'alliance AUKUS. Ce que l'on sait, c'est qu'elle implique des collaborations scientifiques, des innovations technologiques, mais que la pièce centrale est la vente de sous-marins à propulsion nucléaire à l'Australie. À cause de cela, notamment du délai sous-entendu par cette livraison, l'alliance est faite pour durer et va continuer à jouer un rôle important dans la région.
Une des stratégies de Joe Biden dans la région est visiblement d'avoir une panoplie de réseaux, d'alliances, de partenariats avec différents pays, souvent membres de plusieurs de ces alliances ou partenariats, pour pouvoir mieux faire face aux défis de la région.
Maintenant, un possible partenariat avec l'ASEAN et l'AUKUS serait étonnant car l'ASEAN hésite beaucoup à compromettre son engagement ferme envers la neutralité. La très grande majorité des pays de l'ASEAN veulent conserver leur autonomie, et ainsi nouer une alliance plus forte, au-delà d'une simple coopération ad hoc, irait à l'encontre de ce principe central. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas une possibilité de coopération, mais ce que j'entrevoie davantage serait une coopération plus soutenue entre le QUAD et l'AUKUS, ou entre l'AUKUS et d'autres organisations de la région.
IEGA - Le fait qu'il s'agisse de sous-marins à propulsion nucléaire est à l'origine d'une tension entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande, très ferme sur la question nucléaire. Pensez-vous que cela aura un impact sur la région ?
B.H-C - Cela n'aura très probablement pas de conséquences fortes. Tout d'abord la Nouvelle-Zélande est, disons le franchement, un acteur relativement mineur dans la région, d'autant que, depuis plusieurs années maintenant, elle a tendance à rester à l'écart de ses autres alliés occidentaux quant à sa relation avec la Chine. Elle a en effet plutôt tendance à être moins critique de la Chine. D'ailleurs, au sein de l'alliance Five Eyes (l'alliance des services de renseignement de l'Australie, du Canada, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni), la Nouvelle-Zélande est le seul pays à avoir refusé de se joindre à leur communiqué qui condamnait certaines actions de la Chine. La Nouvelle-Zélande tient à conserver des liens forts avec la Chine, ce qui la met à l'écart des autres pays de la région, y compris l'Australie. Cependant étant donné son rôle limité en tant qu'acteur de sécurité régionale, je crois que son désaccord avec l'Australie, lequel, d'ailleurs, n'était pas particulièrement difficile à prévoir étant donné sa position assez claire sur le nucléaire, n'aura pas d'impact conséquent sur la région.
IEGA - La complexité technique de ces sous-marins implique le développement d'une collaboration technique, notamment entre les États-Unis et l'Australie. Pensez-vous que cet aspect peut être amené à prendre une place plus important au sein de l'AUKUS ?
B.H-C - L'aspect militaire restera ce qui sous-tend cette alliance. Cela dit, étant donné la très grande complexité technique de ces sous-marins, puis considérant que l'alliance est basée sur une collaboration scientifique, l'aspect technique va aussi rester déterminant. À la base, cela reste une alliance dont l'objectif principal est d'avoir une approche commune et cohérente face à la Chine. Même si, comme pour le QUAD, la question chinoise n'est généralement pas discutée ouvertement, il s'agit très clairement ce qui motive les différents partenaires.
IEGA - Peut-on alors prévoir un futur élargissement de l'alliance ?
B.H-C - C'est possible, mais il est difficile de se prononcer de façon forte là-dessus. Ce qu'on tend à avoir dans la région sont plutôt des collaborations ponctuelles entre différents pays, comme lors de la rencontre du QUAD de 2020, laquelle avait inclus le Vietnam et la Corée du Sud pour des discussions liées à la pandémie. Il serait tout à fait envisageable que l'AUKUS collabore avec d'autres pays dans certains domaines.